THEORIE

Avant l’entrée en crèche : Mieux comprendre le couple Mère/enfant

 

Dans les premiers mois, mère et enfant sont fusionnels. C’est la mère qui donne la première vision du monde à son bébé. Elle lui donne : ses émotions, ses joies, ses peurs, sa représentation du monde extérieur. L’enfant n’a pas d’autre choix que de connaître la vision de sa mère. Le Moi du bébé n'est pas encore constitué. Il est totalement dépendant de sa famille.

Sécuriser la mère = sécuriser l’enfant

Si l’enfant est sécurisé, mais que la mère ne l’est pas …. À moyen terme elle pourra tout faire pour le montrer

Ex : rester jusqu'à ce qu’il pleure , critiquer la crèche à la maison…ce qui pourrait avoir des répercussions sur l’enfant.

 

II est donc important d'accorder une place centrale à la mère dans nos observations pendant ces quelques jours d'adaptation, adaptation nécessaire parfois plus pour la mère que pour l'enfant qui ressent tout ce que ressent sa mère.

 

Pourquoi certaines mères s’imaginent que leur enfant est en difficulté à la crèche ( alors qu’il ne le montre pas) ex : toujours inquiète…

Parce que toute mère s'identifie à son enfant.

Quand la mère accouche d' un enfant, c'est d'abord d'elle-même qu'elle se souvient quand elle était petite ( elle se souvient de ses séparations, de ses chagrins, ses joies, sa vision du monde qu’elle plaque sur son enfant) et elle se compare à lui. ( Puisque le bébé ne parle pas, on peut tout interpréter de ses comportements ( il est comme la belle mère, il me ressemble, il est fragile…)

LA NECESSITE DE LA SEPARATION

 

Le besoin de se séparer 

La place du Père

La femme devient mère par l’intermédiaire d’un processus biologique dès l’instant de la grossesse tandis que l’homme devient père par l’intermédiaire d’un système symbolique ( mettre au monde par le langage, les interdits…)

La fonction paternelle

  • Le père comme tiers séparateur dans la relation mère-enfant :

La maturation biologique permet à l’enfant progressivement de se distinguer de sa mère, de se sortir de la relation duelle qu’il entretient avec elle. La mère doit être en mesure d’accepter que son enfant acquière son indépendance et finisse par se séparer d’elle. Le père doit l’aider dans cette démarche, il doit assurer une régulation de la distance entre la mère et l’enfant et ainsi contribuer à l’évolution vers l’autonomie de son enfant. De sa fonction, il l'empêche de devenir une mère abusive.

  • Le père comme détenteur de l’autorité et porteur d’interdit:

Le père détient le rôle d’agent de l’interdiction œdipienne, c’est à dire qu’il est celui qui interdit le rêve de la possession exclusive de la mère. L’autorité exercée par le père dépend également des relations existantes entre les parents. Une relation affective satisfaisante entre les deux parents constitue le plus sûr garant de l’autorité paternelle.

 

Concrètement : si le père n’aide pas la mère à se séparer de l‘enfant pendant l’adapation ou ne la soutient dans ce sens ( comme 1/3 séparateur) la mère peut avoir plus de mal à se séparer ou le laisser jouer, explorer..

 

les enjeux : le couple Mère/enfant

 

 

Les enjeux de l'adaptation

 

●       Du côté de la mère : quelle représentation ?

 

L'adaptation est avant tout une question de séparation.

Toute mère est ambivalente, en conflit, car :

Elle était dans une période de fusion, de valorisation narcissique (mon bébé a besoin de moi, je suis indispensable pour quelqu’un, je l’attends dans mon imaginaire depuis que je suis petite fille).

 A peine quelque mois après elle doit s’en séparer, dissoudre cette unité pour inscrire son bébé dans une relation sociale et l'offrir au monde. Cela provoque de nombreux conflits dans la tète de la mère. (et s’il change ? s’il n’a plus besoin de moi ? Et s’il se fait agressé par les autres et qu’il ne sait pas se défendre ?

 

À l'entrée en crèche , la mère doit se préparer à être quittée après de longs moments passés en tête à tête avec son bébé. Inconsciemment, la mère peut se sentir rejetée par son bébé qui explore l'environnement de la section qui lui est offert. Une mère est le plus souvent ambivalente par rapport à cette situation de séparation même si elle peut être très contente de retourner au travail.

Parfois à la crèche il y a un conflit entre ce que la mère veut avec sa tête ( je voudrais la collectivité, car c’est bon pour mon bébé) et ce qu’elle veut avec son cœur (je voudrais qu’il reste avec moi, que je sois tout pour lui).

Pourtant, certaines mères arrivent à se séparer plus facilement que d’autres. 

La séparation est toujours une épreuve pour les parents. Mais comme nous l’avons vu, toute mère se projette sur son enfant (comme elle le voit comme le prolongement d’elle même, de sa propre chair).

 

En fonction de l’enfance de la mère (mais aussi du père)

La séparation à la crèche peut réactiver des souvenirs de sa propre enfance. ( Est-ce qu'elle était une enfant heureuse ? Qui pleurait ? Qui a manqué de quelque chose ? Qui n’a jamais aimé les groupes ? Trop timide ou alors elle a de très bons souvenirs…

Il y a parfois une confusion entre les pleurs (ce qui est normal) et ce que peut vivre son enfant face à la séparation et comment elle interprète ces pleurs.

 

En fonction de sa vie actuelle :

Soit la mère a une vie équilibrée entre son travail, son conjoint, ses amis et elle a des points d’attache pour mieux supporter la séparation.

Soit la mère a tout concentré sur sa maternité (ne travaille pas, ou n’aime pas son travail, difficulté de communication avec le conjoint, ou toujours en déplacement..) et ses sentiments vont être exacerbés.

Du coté de l’enfant : quelle représentation ?

Pendant l’adaptation et tout au long de la journée de la crèche, l’enfant sait que sa mère est absente : maman est au travail. Mais quand les enfants demandent toute la journee : Elle est ou maman ?  Les enfants les plus angoissés signifient ainsi qu’ils ont besoin de la retrouver dans leurs têtes, ils ont du mal à y penser, à l’imaginer, car l’activité de symbolisation (le faire semblant) est en train de se construire. Quand il ferme les yeux,ils ne voient plus leurs mères (pas d'image)  ils ont besoin de l’adulte pour y penser, pour les aider à construire une image mentale de leur mère/père.

D’où les activités de symbolisation et "coucou caché".

L’intérêt des  jeux de "coucou caché" ?

 

L'adaptation permet à l'enfant d'apprendre à intérioriser l'image de sa mère en son absence pour s'ouvrir à d'autres domaines d'activités.

L'enfant aura besoin de faire de nombreux aller-retours entre sa mère et l'environnement pour se sentir en confiance.

Dans ce sens, le professionnel peut proposer durant ces premières journées des jeux articulés autour de la présence/absence de la mère (boîtes en carton pour se cacher, jeux de coucou...) en présence de la mère et quand elle est partie.

L'idée est que pendant cette période, l'enfant sache que son lien avec sa mère n'est pas en danger. Il est bon de travailler sur le lien mère/enfant quand celle-ci est partie.

 

Notion theorique : le FOR DA le jeu de la Bobine

 

Le jeu de la bobine (ou "Fort/Da") a été décrit par Freud. Le jeu a une fonction symbolique. Il ne montre pas la réalité objective que vit l'enfant mais la réalité psychique. Le jeu est un moyen d'accès au vécu psychique de l'enfant.


L’enfant passait son temps à jeter au loin ses jouets, sous le lit, etc. L’enfant jetait la bobine par-dessus son lit derrière les rideaux où elle disparaissait, tout en s’écriant et prononçant le même son « o-o-o-o » ( loin) puis l’enfant tirait sur la ficelle pour faire réapparaître la bobine et la ramenait à lui en s’exclamant « Da ! » (« là »).

Freud relie alors ces jeux à la situation de l’enfant à cette période : une période où sa mère s’absentait pendant de longues heures. Le jeu symboliserait ainsi la disparition et la réapparition de la mère.

Freud a interprété ce jeu de « disparition-retour » comme une manière pour l’enfant de mettre en scène les disparitions et retours de sa mère et par là-même de devenir actif par rapport à cet événement au lieu de simplement le subir.

Freud a donné un sens profond à ce jeu du « fort-da » : il lui paraissait évident que la disparition et la réapparition de la bobine représentait le départ et le retour de la mère. Comme les enfants vivent douloureusement cette séparation, ils la reproduisent symboliquement de façon répétitive.

La joie de ces retours joués leur permet de supporter l’attente du retour réel. Ils aiment tous les jeux qui se répètent. Le jeu de cache-cache des yeux « coucou, bouh » recommencé indéfiniment est un autre exemple des situations par lesquelles les enfants vont aménager la séparation et vont se montrer capables d’agir intérieurement sur un monde extérieur qu’ils ont du mal à appréhender.

Le jeu serait donc similaire à un espace psychique dans lequel l’enfant peut faire le lien entre présence et absence, dedans et dehors, lui et les autres.

 

Du coté du professionnel ? quelle représentation ?

 

La période d'adaptation est souvent épuisante pour le professionnel tant physiquement que psychiquement.  Mais il est primordial pour l'enfant que l'on écoute sa souffrance et qu'on puisse lui renvoyer sans banaliser la situation.

 “ C’est difficile pour toi d'attendre maman, maman m'a dit aussi que pour elle c'était difficile tu te souviens on en a parlé tous les 3 ? Maman était là, toi là...

 

le rôle du professionnel dans l’adaptation

 

Le travail du professionnel est de : Créer un lien  avec le parent.

On connait aujourd'hui l'impact positif sur l'enfant quand son parent fait confiance au professionnel.

Ce lien ne peut se créer que si la mère se sent en confiance par rapport au professionnel, si elle ne sent pas qu'on lui prend sa place. Il faut alors que la mère se sente active dans la séparation avec son bébé. Rien ne doit être précipité.

L’adaptation du parent est aussi importante que l’adaptation l’enfant parce c’est la mère qui sécurise l’enfant et qui lui donne les ressources pour se séparer.

Ex : si la mère est angoissée l’enfant le ressent de la même manière puisque c’est sa mère qui lui donne sa 1ère vision du monde. Il est donc capital de prendre du temps pour rassurer le parent dans ses angoisses pendant la période d’adaptation en entrant dans une communication et une écoute vraie.

 

La chaine de l’adaptation : le professionnel rassure, entoure, contient la maman qui à son tour rassurera son enfant.

C’est seulement la mère qui peut rassurer son enfant et l’autoriser inconsciemment à  intégrer la crèche et se séparer d’elle. Si la mère n’est pas au clair avec ça, l’enfant vit très difficilement cette séparation.

 

Donner confiance au parent qui confie son enfant parfois pour la première fois. En lui expliquant le fonctionnement de la crèche en détail pour éviter trop de fantasmes et de projections de la part du parent sur l'enfant et lui permettre de créer des repères.                                    

 

Entendre la souffrance du parent par le professionnel qui peut en profiter également pour expliquer les bienfaits de cet éloignement. Ex : ouverture sociale qui viendra enrichir la relation mère/enfant. Cela peut être envisagé simplement : “ comment avez-vous ressenti cette première journée? Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous? Avez-vous des craintes à laisser votre enfant, car ce n'est jamais évident.. Comment voudriez-vous que cela se passe?

 

Cela permet de commencer sur des bases authentiques.

NB : Le professionnel devra à son tour pouvoir reparler de son vécu lors des réunions pour pouvoir accueillir les prochains enfants et ainsi pouvoir analyser son positionnement professionnel.

 

Le travail du professionnel est de reconnaître la place du parent

 

La période d'adaptation est un moment clef pour établir un lien de confiance avec le parent. Pour cela il est important paradoxalement que les professionnels ne soient pas vus comme des experts, que le parent subisse "l'institution crèche".

Le professionnel devrait savoir dire au parent :  “ j'ai besoin de vous” peut on travailler ensemble ?

Observer la relation parent enfant pour mieux le comprendre par la suite (je me souviens pendant la période d'adaptation que ...)

 

CONCRÈTEMENT AUTOUR DE L'ADAPTATION

 

  •       Demander au parent son ressenti chaque jour de l'adaptation. Car beaucoup n'osent pas s'exprimer.
  •       Proposer de faire participer le parent au début de l'année à une activité simple. Ex : demain vous pourrez faire un puzzle avec votre enfant si vous voulez”
  •       Proposer au parent dès la rentrée de ramener un album photos avec la famille de l'enfant, sa maison, ses vacances, un dessin de maman, pour parler avec l'enfant et permettre de créer du lien entre la crèche et la maison.
  •      Demander comment la mère veut éduquer son enfant, ce qui est  important pour elle, comment ça se passe à la maison pour mieux comprendre comment peut fonctionner l'enfant en crèche.